mercredi 16 septembre 2009

Sequere Deum

L...

Par Vercoquin


C’est ici. Ma première rencontre avec elle remonte à mon année de première au lycée. Un samedi, après avoir passé une bonne partie de ma soirée chez Zeus, je m’étais rendu, avec un camarade, à une sauterie se déroulant sur la côte de la jonchère. Descendant à un arrêt de bus dont nous ne connaissions que le nom, nous parvînmes à retrouver notre correspondante sur place, une jeune fille charmante, et surtout charmée par mon compagnon de vadrouille.

Alors que nous débarquions sur les restes encore fumant d’une orgie lycéenne, ma fibre sociale se révéla. Trois jeunes filles qui avaient l’air de me connaître vinrent se présenter. A1, une petite fraicheur dans un corps de polio, A2, une fille qui ne m’aurait pas fait lever les yeux si je l’avais croisée dans la rue, et L, légère, à l'excès…
Soucieux de la réciprocité à établir entre moi et ces trois inconnues, je décidai de prolonger leur connaissance. Tout ce qu’elles savaient de moi se résumait au lieu de mes études et à quelques bruits courant dans les couloirs. L me fit le récit de sa soirée, et l’inventaire de ses découvertes alcoolisées. Cette description éveilla mon dégoût, elle était décidément bien trop légère. Je fis alors à voix haute le seul constat valable, c’était une Bibbbiiiiaaatchh! Je n’avais à cette époque que 15ans, maman inquiète, vint me chercher en voiture. J’offris alors à mon camarade de le ramener, voyant qu’L serait contrainte de rentrer à pied chez elle, ce qui représentait dans son état, une marche incertaine d’une petite heure au milieu de la nuit, son amie (charmée par mon camarade) nous pria de la ramener, nous l’emmenâmes avec nous. Dans la voiture, elle était incapable de se contenir, riait niaisement à chaque mot échangé avec maman. La légèreté n’était pas de ces traits qui me rebutent durablement, mais tout de même, un minimum de tenue devant un parent m’aurait parut appréciable. Maman à la fibre instigatrice, mais quand elle soupçonne quelqu’un d’être diminué, elle sait se montrer compréhensible, quitte à m’en faire la remarque après.
Après avoir raccompagné L jusqu’à sa porte nous rentrâmes. C’était une soirée agréable, pour un moindre coût temporel, j’avais fait la découverte de cette clique que l’on nomma les impubères !

Je n’entretenais aucunement mes relations avec ces nouvelles connaissances, elles n’étaient généralement que des petites pouffes sans intérêts, le genre de filles à s’offusquer si on omettait de leur faire la bise un matin. Il y avait nonobstant L, pendant deux semaines, à chaque fois que je la croisais elle s’écriait qu’elle était ma biatch, jusqu’à ce qu’un jour elle me traite de connard... J'en restai dubitatif, et très critique. Quelqu’un lui avait donné la signification de « biatch ». Elle me le pardonna bien vite, je mis alors la légèreté dont elle m’avait tant fait la démonstration sur le coup de son ignorance linguistique.
Avec son écharpe burberry par toute saison et ses airs de filles à papa, elle correspondait exactement au schéma social des lycéennes de Richelieu. Aie un style, de l’argent, et fréquente le monde. J’avais malgré ce handicap une profonde affection pour L, c’est ce que j’admis quand je me surpris à la chercher des yeux dans les couloirs. Avec le temps quelques connaissances communes prirent la liberté de me parler d’elle, de choses que je ne demandais pas à entendre, que je n’aurais sans doute voulu entendre que de la bouche d’L elle-même. Quoiqu’il en soit ces courts récits attisèrent ma curiosité, L avait plus de profondeur que son entourage, j’en étais convaincu. Pendant mes heures creuses je la croisais fréquemment, alors je discutais avec elle. Un jour alors que je jouais la BO de Barry Lyndon sur le piano dans le hall du lycée, elle passa, s’arrêta et m’écouta. Nous discutâmes du film, cette grande aventure, elle me parla de son avenir, cette quête sans fin. Elle l’ignorait, mais nous étions trois à nourrir la même ambition, à cet instant je me sentais plus proche d’elle que de nombre de mes amis. C’était quand même autre chose que les légumes que je digérais à longueur de journée. J’ai depuis établi comme réel test, la connaissance même superficielle de l’œuvre de Kubrick.

A mesure que l’année avançait, je commençai à m’interroger sur les occupations d’L. Je la croisais bien trop souvent flânant en dehors des heures de pauses habituelles. Elle me disait qu’elle n’avait pas cours, mais un jour alors que j’errais dans un couloir je la vis sortir, elle ne nia pas, elle s’était faite exclure. Pourquoi avait-elle caché ça jusqu’alors ? Nous nous perdîmes un peu, elle devenait distante.
Plus tard, j’appris qu’elle sortait avec un nabot, je ne me permis aucun commentaire, ni même la moindre allusion, c’eut été inconvenant. Avoir un copain au lycée était toute une aventure. Mais pouvait il en être autrement quand la quasi totalité de la population mâle, socialement ouverte du lycée, rivalisait de légèreté dans la conquête de minettes sans souffle. Dans nos discussions, nous avions déjà évoqué la solitude, et la vacuité de toute relation avec ces gens, pourtant elle était avec l’un d’eux, enfin elle assumait d’être avec l’un d’eux. Conformisme quand tu nous tiens. Ce fut elle qui en parla, avec une froideur surprenante, même pour moi qui suis d’un cynisme reconnu, elle détruisit toute la sentimentalité que ces couples risibles prétendaient entretenir. J’étais flatté dans ma gène qu’elle me confie ainsi son mépris pour ce crétin, elle savait que je n’étais pas un vecteur de bruits, je ne lui étais donc d’aucun secours pour la débarrasser de cette sangsue. Cette confession sonna presque comme une excuse, je n’avais jamais parlé de ce minet, mais elle imaginait aisément mon opinion sur lui puisque membre de la caste des « saturdaynightfraicheurteam », il ne pouvait être qu’un comique comme un autre. Je n’avais pas encore cerné ce qu’elle valait, mais j’avais une certitude, et elle ne l’ignorait pas, elle valait mieux.
Les vacances approchaient, et avec les beaux jours, L se faisait de plus en plus absente, je la vis à quelques soirées chez moi, silencieuses, l’air préoccupé, à mille lieux de ce que j’avais pu voir d’elle au début de notre rencontre.
Elle partit, pendant quelques temps je n’entendis plus parler d’elle, non sans tristesse. Chaque fois que je rouvrais un bloc, je la revoyais.
Un jour elle revint, elle ne me vit pas, ou presque. Longtemps après je la revis avec plaisir, nous discutâmes, je guettais ses passage. Et plus rien.

Petit je rêvais de devenir patron du cac 40, avoir du pouvoir, de l’argent, et une louloutte de luxe. Une louloutte que j’aurais fini par mépriser, que je n’aurais gardée que pour avoir continuellement pour mes enfants un exemple de la faiblesse humaine… ma faiblesse. En réalité, ce que je voulais, c’était l’aventure. Une fois mon école d’ingé terminée, je me suis pointé au bureau de la légion étrangère.


Suis ton Dieu...
...mais pas de trop près.

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