mercredi 22 avril 2009

A venir

L'autre jour, j'étais chez un ami, où après avoir passé une soirée à jouer aux FPS, nous étions tombés sur l'excellentissime émission "confessions intimes", la lie de la télévision, d'où ce papier.

Hier soir, il était possible de découvrir, et redécouvrir l'histoire de Robert, ancien maître nageur, et Marie, sa radasse. Un reportage intitulé "ah, si j'étais riche!". Se suivaient alors, un collection de clichés prolétaires sur la richesse! On voyait ainsi Robert tenant sa louloute devant les bateaux du port de Cannes, le ridicule de l'histoire étant que les "yachts" alors admirés faisant moins de 1O mètres, il s'agissait tout au plus du prix d'une coupé deux places Japonais. Mais pour moi le choc fut surtout conceptuel, le prolo que tu es peut-être cher lecteur, et chère lectrice entraîneuse, à l'idée d'être riche, s'imagine invariablement dépensant de l'argent en masse. Et bien moi, je dois me faire violence pour trouver quelque chose de valable à acheter, j'imagine qu'il y aurait quelques montres, et une 911. Non, la plupart de gens s'imagine dépensant de l'argent, moi je m'imagine en train de le gagner... Alors grande interrogation, comment gagner de l'argent, et j'entends gagner, pas travailler comme un besogneux pour vivre, et entretenir la radasse que j'aurais épousée.? C'est là qu'on retombe sur les études, une des méthodes les plus sûres pour finir les poches bourrées de pesos à partir de pas grand chose(du point de vue patrimonial) est de faire l'X, mines... et de finir par un master en finance à dauphine pour se faire un carnet d'adresses. Ça, c'est ce que croient tes parents.
Analysons maintenant les autres possibilités. Vous pouvez par exemple avoir une putain d'idée, la cristalliser, et en faire une belle série de 1, de 5, et de 0, dans le genre l'aspirateur sans sac, réussite assurée. Ensuite vous pouvez disposer d'un certain génie personnel qui vous permettra de vivre de votre imagination. Mais la pulsion créatrice est un sentiment incertain, massacré par le sms, ne comptez donc pas vivre de votre imagination jusqu'au bout. Si vous êtes habile vous pourrez encore taxer l'imagination des autres, mais c'est bas. Sinon, vous pouvez avoir la chance de jouir d'un certain regard, et d'une certaine expression qui vous permettront de finir chroniqueur à la radio comme le légendaire Dani Momo. Personnellement, ma préférence va à la dernière proposition.
Il y a sinon l'archi-classique mariage d'intérêt, mais entre entretenir une radasse, ou se faire entretenir par une radasse, je ne fais pas de grande distinction.
Pour ma part, je vends du rêve, et un certain savoir-vivre.

mercredi 8 avril 2009

La psychologie de l'effort

L’autre jour je pleurais devant la médiocrité de mon existence, est-ce ça vivre, est-ce ça la vie que je me suis choisi ? Après deux nuits biens tourmentées, je me suis mis à écrire, comme toujours.

Ami jeune, ami lycéen, ceci est pour toi, comme l'héritage spirituel de dix-huit années d'une vie d'étude que je souhaiterais léguer.

Je n'ai aucun souvenir de mes années crèche, si ce n'est une phrase récurrente que nous répétions en criant avant chaque déjeuner "Pour la cuisinière hip hip hip", la naissance de l'esprit sans doute, au dessus d'une assiette évidemment. A part cette phrase qui m'est revenue à l'adolescence, je ne garde rien de la période qui précéda mes trois ans. Aux dires de mon père j'étais relativement tacite, ne répondant jamais que par oui, non, et des phrases de trois mots maximum, si bien que mon père m'exprima la crainte qu'il avait eu à une époque que je me retrouvasse jeté du système éducatif avant même d'y avoir existé. Le premier film dont je me souvienne, est "L'île au trésor" de Robert Louis Stevenson, comme hypnotisé, je le regardais en boucle dans un état végétatif. Mes parents y voyant une nouvelle source d'inquiétude à mon sujet me demandèrent après ma cinquième fois si je n'en avais pas marre de voir toujours le même film, d'après eux je répondis que non, parce que je ne le connaissais pas encore. J'imagine la souffrance de mon père devant l'aveu sur les limites de ma mémoire que je leur faisais. Un jour ils découvrirent que par "connaître" j'entendais "par cœur", alors je jouais avec eux des scènes entières du film, jouant plusieurs personnages lorsqu'ils ne pouvaient me donner la réplique. Jusqu'à ce film, le langage n'avait été pour moi qu'un moyen de communication, évolution directe des cris du bébé(1), maintenant c'était aussi un mode, un spectacle. Je me souviens d'une anecdote, datant de ma petite section, m'ayant causé quelques problème avec l'autorité. Étant féru d'histoire de piraterie, j'avais un jour visualisé une poubelle dans la cours de récréation comme étant un mât, j'étais alors naturellement monté dessus, et m'étais installé comme un marin sur sa vigie. J'étais resté à guetté jusqu'à ce qu'une figure de l'autorité vienne tenter de me déloger bien avant la fin de la récréation. Je refusais net, ne voyant rien de répréhensible dans mon comportement, agacé par l'acharnement de ma maîtresse je la traitai de salope, des mots j'en avais, et ce n'était pas un de ceux que j'avais appris à l'école, sans le comprendre totalement, j'en avais perçu le mépris qu'il exprimait à celle à qui on le disait. Ce joli trait, parmi de continuelles colères avec ma mère, me valut un premier passage chez le psychologue pour enfant. Après dix minutes de diarrhée verbale de la part de maman, la psychologue l'interrompit, et lui demanda de parler pendant dix minutes en bien de son fils. Je crois que ce fut comme un éclair dans l'esprit de mon père, constatant la détresse de ma mère devant l'épreuve qu'on lui imposait, dire du bien, il dut prendre conscience de quelque chose de gros. Je ne sais si ce mot du psychologue est entré dans ma mémoire sur le coup, ou parce que mon père le répétait fréquemment à ma mère lors de ses crises contre moi, le fait est qu'il caractérisait assez bien la personnalité de maman. Il ressortit de cette rencontre que j'avais un problème avec l'autorité féminine, en effet je ne faisais que de façon rarissime des colères avec mon père. Rétrospectivement, je crois surtout que j'avais plus que tout un gros problème avec la connerie. Je suis convaincu que jamais mon père ne me prit pour un con, je ne peux en dire autant de ma mère, quand on s'adresse à un con dans le but de communiquer, on lui parle "connement" par mimétisme, ou bien il y avait un gros décalage entre ma mère et moi, quant à ma maîtresse, je n'avais aucune estime pour une personne qui m'imposait de dormir l'après midi, contre mon absence de sommeil... Mais bon, il paraît que les premières années sont faîtes pour contraindre l'enfant par la discipline. Contraindre oui, mais pas dans la connerie.

Je n'ai jamais été baptisé, j'ai cependant reçu quelques notions de ma mère sur la vie du petit jésus, jusqu'à sa terrible fin. Tout ce que mon père m'appris fut qu'on ne planta pas les clous dans les mains comme on le représentait souvent, ne sachant quoi lui répondre il m'expliqua qu'à un tel endroit la peau se déchirerait et briserait la prise, pour y remédier, on plantait dans l'avant bras, juste avant le poignet, j'étais fasciné par cette première découverte anatomique. En moyenne section, le maître m'entendant expliquer la crucifixion à mes petits camarades s'en alarma et informa mes parents. Rien à y redire. Inutile de vous expliquer qu'à cet âge j'étais encore tout ce qu'il y avait de plus asexué, j'avais pourtant remarqué les manières de mon maître, si bien qu'un jour je le traitais de macaque, mon bon maître loin de me disputer, me demanda curieux si je savais ce qu'était un macaque, je lui répondis que c'était un singe. Il appela mes parents pour leur communiquer sa joie devant l'étendue de mon vocabulaire, ils en rirent, eux aussi avaient remarqué ce que je ne pouvais encore expliquer chez mon maître si maniéré, bien que n'étant pas vraiment une femme, on pouvait l'intégrer dans le schéma de mon rejet de l'autorité féminine.

Je ne vois rien à écrire sur ma grande section, si ce n'est que ma mère m'avait mis en garde contre le changement d'ambiance que j'allais constater, la maîtresse étant stricte. Moué, bon, bref...

J'eus une nouvelle mise en garde à mon entrée en cours préparatoire, c'était l'école cette fois-ci, on ne pouvait plus aller aux toilettes à tout va, et il fallait travailler! la grande aventure commençait, je me voyais grand. Ce fut eut-être ennuyeux puisque je n'en ai pas gardé de grand souvenir. Je me souviens avoir appris à lire avant les autres avec maman sur un vieux livre datant de son enfance. Plus tard je me souviens avoir eu le droit d'écrire au stylo plume, puis mon apprentissage laborieux des tables de multiplication, mon père voulait que je les connaisse comme une chanson, n'y voyant aucune logique phonétique, il me fallut plusieurs mois. Le lecteur remarquera à quel point le conformisme que j’ai tenté de suivre durant ma première année d’école ruine ce récit par ses banalités, mais bon, obéissant au schéma éducatif, je n’avais à l’époque aucune culture, presqu’aucune aptitude à la réflexion, brisé dans un train qui ne vous demande que de vous taire les yeux ouverts. Je me rappelle d’une micro anecdote sur mon CP, alors que je dormais en cours je réentendis une phrase que j’avais entendu dans un film quelconque, et ces mots « contrée lointaine », peu soucieux et néanmoins conscient de l’interruption injustifié que je faisais, je levais la main et demandais à ma maîtresse la signification de ces mots, ce fut un petit gros, autre intellectuel de la classe qui me répondit.

En CE2, je découvris que j’aimais les maths, sans doute grâce à ma maitresse de sciences d’alors, j’avais en effet deux maîtresses, travaillant chacune par demie journée.

En CM1, je fis une première expérience de la connerie en tant qu'enseignante, Mme Johannet, je garde d'elle un souvenir tellement pourri que si je la recroisais, je serais tenté de lui signifier qu'elle est mon pire souvenir. Avec elle je découvris l'humiliation publique, ou du moins la tentative que je percevais, j'étais encore si confiant dans mon bon droit que je refusais de bonne foi toutes critiques. Un jour alors que je rêvais en classe, elle m'appela au tableau en beuglant, et me demanda de répéter ce qu'elle venait de dire, ayant tout de même écouté d'une oreille distraite ses propos sur l'évolution de l'homme, je refis l'exposé complet, elle me laissa finir, et me sanctionna d'un "absolument pas". Je crois qu'elle voulait juste que je répète les deux mots qu'elle avait dits à Kevin qui posait une question stupide au deuxième rang. Si on me demandait comment l'homme a évolué, j'aurais dit "bien". Elle remarqua néanmoins chez moi un goût et quelques facilités pour ce que si jeune, on nomme présomptueusement des mathématiques, elle conseilla à mes parents de me faire évaluer. Pendant ce temps, mon père m'expliquait que contrairement à ce qu'avait affirmé l'église pendant des siècles, la terre n'était pas le centre du monde avec tous les astres s'en éloignant, mais m'expliqua le principe d'univers en expansion avec un ballon baudruche. A chaque fois que mon père parlait, c’était une sorte de spectacle, il y mettait un ton qui forçait l’attention, je l’écoutais. Ce fut lui qui m’offrit pour mes huit ans, Age Of Empires II : Age Of Kings, le jeu qui changea radicalement ma toute jeune vie. J’appris plus en histoire en un an dessus qu’en cinq sur un banc de classe. Ce fut le début d’une longue série allant de l’antiquité à la fin de napoléon, c’était beaucoup plus ludique que ma mère ne pouvait le penser.

En CM2, je connus une nouvelle humiliation, suivant les conseils de ma précédente maîtresse, mes parents m'avaient fait faire des tests encadrés, j'avais pour cela manqué quelques après midi de cours. Le jours où l'on me donna les résultats, je manquai une matinée à l'école, l'après midi, je me fis reprendre par la maîtresse qui me fit aller au tableau en m'appelant "monsieur je-sais-tout", elle me demanda avec dédain et moquerie "alors il t'a dit combien?!" moi, intimidé malgré tout par ma maîtresse je répondis timidement "152", elle ferma sa gueule et m'envoya m'asseoir, nous n'étions que deux à savoir ce que ça signifiait, et j'avais sur la conscience la culpabilité de celui qu'on engueule pour ne rien y redire. J'étais toujours aussi fanfaron... C'est cette maîtresse qui m'emmena la première fois en classe de neige. C'est aussi avec elle que je découvris l'injustice doublée à la mauvaise foi. Il y avait dans ma classe un jeune con comme seul le jeune peut en produire. Fumeur à onze ans, un as du football, avec un nom à coucher dehors. Grâce à la maîtresse, il était devenu en quelques semaines aussi rejeté qu’on peut l’être au sein d’un classe, je me souviens même de quelques séances de lynchage où la maîtresse prenait les élèves à partie pour l’humiliation de ce niaiseux. Je faisais partie des merdeux qui le méprisait. Un jour la maîtresse vérifiant les devoirs, vit qu’il n’avait pas fait ses exercices, celui-ci répondit qu’il s’était trompé dans le numéro de la page, et proposa d’aller chercher la page d’exo qu’il venait de jeter. La maîtresse ne le crut pas, elle le menaça, il alla tout de même les yeux humides à la corbeille et en sortie une feuille froissé sur laquelle je vis plusieurs figures géométriques, la beuglante redoubla de puissance dans ses vociférations, le traitant de menteur à répétition. Curieux j’ouvris mon livre à la page dite, sans doute curieux de vérifier que l’élève mentait comme le disait la seule autorité alors présente, et surprise, il y avait des figures similaires sur la page en question, il ne mentait pas, je le dis à la médiocre qui s’agitait je me sentis coupable d’avoir participé à toute son entreprise, lui dis qu’il ne mentait pas, elle m’ignora sciemment, et continua dans sa brimade. Ce pauvre gars était con, c’est certain, mais ma maîtresse en lui faisant faire l’expérience de l’injustice était pire. C’est dans ces moments que je pris conscience que la plupart des profs ont la mentalité de leurs élèves, enseigner ça abime sérieusement… Je noterais tout de même en exception quelques professeurs de Français croisés au collège et au lycée, et les normaliens qui sont pour leur part des êtres géniaux.

Je finis par entrer au collège, mon père me raconta ce qu’il en était du temps où il y était, il fallait alors passer un test d’entrée, j’étais amusé. Il me sortit aussi un livre en me disant qu’il l’avait lu à mon âge, Bilbo le hobbit, le début d’un amour. Ma mère me mit une fois encore en garde, entrant en « anglais plus » une pseudo classe élitiste dans mon collège, elle me dit « il n’y aura pas UNE Pauline, il y aura TRENTE Pauline, Pauline étant ma voisine et une bonne grosse référence scolaire, le genre à faire normal sup, littéraire. Dans le genre costaud de chez trapue. Ma sixième fut une désillusion non seulement il n’y avait pas que des Pauline dans ma classe, mais on y trouvait aussi un ramassis de banalités, le niveau des cours était d’un triste ennui. Ma mère me les brisait encore plus qu’avant pour que je majore, en vain. Avec 15,5 de moyenne j’étais dixième de ma classe, mon père m’engueulait pour mes notes en maths, il avait raison. Mais les plus grosses roustes que je me sois prises furent toujours pour des problèmes disciplinaires. Que le lecteur n’aille pas croire que j’étais un fouteur de merde, loin de là, je bavardais, je ne voyais pas l’intérêt de faire des exercices à la maison plus répétitifs qu’instructifs. J’avais si honte que je cachais les mots des professeurs, j’ai falsifié la signature de ma mère, jamais celle de mon père, peut-être parce qu’il était gaucher. Et souvent je me faisais prendre, la dérouillée était sévère, mais je profitais d’un tarif de groupe qui me permettais d’accepter la chose, contrairement à ce que disait mon père, tout ne se découvrait pas un jour ou l’autre, et j’étais pour ma part convaincu que la rouste pour un mots ou pour une dissimulation était comparable, je me mis alors à jouer la montre, je suis convaincu que ses coups m’ont d’une certaine manière maintenu dans un immaturité relationnelle relative avec mes parents, comme du temps où je faisais des colères. Un jour je cessais de me protéger des baffes lors des bastonnades, au contraire je me relevais invariablement prêt à recevoir la volée suivante, au fond, je m’étais résigné, la douleur physique n’est pas grand-chose, je me foutais bien d’avoir mal, j’avais surtout pris conscience que mon père se répugnait à me taper, battre un mort est vain, il arrêta, et changea de méthode, mais ce ne fut que des années plus tard. Pour ma scolarité, j’entendis le pire choses qui soient. A la fin de la sixième, étant passé quinzième de la classe, elle rentra du conseil de classe passablement énervée, ça commençait à devenir sport avec papa, elle accusa mon arrogance, mon père lui dit que l’arrogance suivie n’était pas un fardeau dans une vie professionnelle, elle répondit avec suffisance « mais quelle vie professionnelle ? Oui, il pourra être arrogant quand il finira proxénète ! » Je relevai les yeux, tout de même surpris par le culot de ma mère. Mon père s’arrêta la fixa, et l’interrogea sur le sérieux de ses propos, elle confirma, et la balance s’équilibra en ma faveur un instant. Quelle conne, proxénète, en sixième je savais déjà qu’au même âge elle n’avait pas fait le dixième de ce que j’avais fait. J’avais des raisons d’être arrogant avec elle. Je ne vous ai pas beaucoup parlé de maman, mais maman est de ces femmes qui m’ont sans doutes beaucoup appris, mais surtout sur la bassesse de ce monde. Le genre à nous (ma sœur et moi) coller une tarte avant de monter en voiture, « comme ça je n’aurais pas à m’arrêter pour vous la mettre celle la » Le degré zéro de la psychologie. Vous l’aurez compris, aux yeux de ma mère j’étais en sixième un homme mort avant l’heure, condamné à finir plombier comme certains, ou paranoïaque comme d’autres… Du bas de ma médiocrité, j’ai pourtant continué jusqu’en 3eme avec une moyenne toujours comprise entre 15,3 et 15,7. Si bien qu’en troisième je n’étais plus que deuxième de la classe, je commençais sérieusement à mépriser ma mère qui dans sa pensée de grattouille me les brisait sévèrement à grand coup de « mais si tu travaillais un peu plus !!!! Tu pourrais le battre Metz ! » Pour quelle finalité ? « Pour leur prouver à tous que tu peux » Je n’avais rien à prouver à personne.
C’est durant ces années que mon père commença à s’occuper de ma culture, culturellement, je lui dois tout… Devant mon goût pour les jeux de civilisation il me donna L’art de la guerre de Sun Tzu, après ce fut De la guerre de Clausewitz. Je découvris aussi grâce à lui Ken Follet, jusqu’à San Antonio, Kierkegaard, et Cosmic Bandito. Bref, vraiment tout.
Un jour l’image de la mère protectrice s’est effondrée. Un camarade d’une autre classe vint me voir au cours du second trimestre de quatrième et me demanda s’il était vrai que ma mère m’avait fait retirer les félicitations au premier trimestre, je lui dis que c’était possible venant de ma mère. Vous êtes peut-être de ceux qui ont une mère dans les fédérations de parents d’élèves. Toi jeune, peut-être t’es tu reconnu, peut-être que ta mère n’y était que parce que t’était trop modeste sur tes capacités pour qu’on ait tout seul l’idée de te faire passer à la fin de l’année, peut-être seulement que ta mère, comme maman rêvait uniquement d’être médiateur à l’ONU, et ayant raté de peu le concours, s’était engagée dans les fédérations pour donner un sens à sa branlette. Alors je me renseignai, je découvris qu’en effet ma mère m’avait fait retiré les félicitations, tout les profs m’avait fait un commentaire complaisant au sujet de ma mère, mais personne ne m’avait jamais conté le contenu du conseil de classe jusqu’alors. Je découvris ces mots « Il a été odieux à la maison tout ce trimestre, si vous lui mettez les félicitations il va se reposer sur ses lauriers… » Bien sûr, je m’étais pris une dérouillé à la suite de ce conseil lorsque rentrant ma mère m’avait couvert comme avec des immondices des deux notes que j’avais caché, et des bavardages qu’elle avait dû faire avouer à mes profs sur le mode du « Il ne bavarde pas tout le temps ? », le même genre de question qui m’avait permis de limiter mon vocabulaire jusqu’à trois ans à « oui, non, et trois mots ».
Parmi les quelques mot que me disait mon père lorsqu’il me témoignait sa déception, il y avait « tu te rends compte que depuis que tu es à l’école tu n’as jamais eu une année sans commencer par faire le con, pour te prendre une dérouillée à la fin du premier trimestre, t’es incapable de tenir une année… » le genre de dérouillée qui vous libère d’un plexus, et ça sous les yeux de ma mère, dans la semaine qui suivait, alors que je fuyais mon père des yeux, elle venait jouer les bonnes mamans, m’encourageant tendrement à travailler, en me rappelant les coups dans le diaphragme de papa, comme on pique l’oreille d’un éléphant avec un clou pour lui rappelé le matage dont il fut l’objet petit. Que celui qui s’offusque encore de lire « conne » quand je parle de ma mère ferme cette page, mais il ne peut en être autrement pour moi. On apprend à vivre avec, c’est tout. Lors d’une engueulade suivante à laquelle elle participait, elle parvînt à me sortir « je te rappelle que t’as pas eu les félicitations au premier trimestre, ta sœur, de la sixième à la troisième elle les a toujours eu, tu m’entends » Pris par la haine je retrouvais immédiatement mon souffle fasse à mon père, je lui répondis « je le sais bien, c’est toi qui me les a fait retirer » il y eu un blanc je repris donc l’initiative « les profs voulaient me les donner mais tu leur as dit que j’avais été odieux à la maison, et que je me serais reposer sur mes lauriers » ma mère prenait ce faciès figé que je revois sur le visage de mon grand père, celui de l’être blessé, qui affiche tout de même sa fierté en dernier rempart. Mon père ce tourna sévère vers maman et lui demanda « c’est vrai ? ». Cette pauvre humaine tint tête « oui c’est vrai ! » la fierté espagnole dans ce qu’elle avait de plus conne je vous assure. Mon père se releva « mais t’es vraiment trop conne ma pauvre ! » la suite fut impressionnante, de ces scènes qui m’apportèrent si jeune un vocabulaire de charretier respectable, je précise que je n’ai jamais entendu mon père traité ma mère de salope, ce ne serait pas convenable. Que le lecteur n’aille pas croire que j’étais un élève modèle, uniquement pourri par ma mère, j’ai en effet triché à des contrôles, je passais tous mes devoir de latin avec un livre sur le genoux, j’ai aussi dissimulé, menti, et falsifié, mais je n’ai jamais mis en péril ma scolarité de façon sérieuse, de sorte que les félicitations m’ont manqué plus d’une fois, mais attribuant leur perte à moi-même, c’était tout à fait tolérable. Devoir y voir le fait de maman, l’était moins.

Après cet épisode, je changeai radicalement mon approche relationnelle avec mère, premièrement elle n’était plus vraiment de mon côté, elle était surtout de son côté qui lui se fondait sur quelques préceptes biens sentis comme « la vie est un long carême » (phrase de mon père en réalité, mais prêté à ma mère) ou autre « cagito ergo sum » (même commentaire, ‘j’emmerde donc je suis ‘). J’atteignais de plus un niveau où maman ne pouvais plus me suivre, ni en maths, ni en histoire, ni en rhétorique, où ma domination me valait occasionnellement une crise de nerfs rayonnant de dogmatisme. Ah, je ne serais pas la moitié de ce que je suis, si je n'avais pas eu ces terribles luttes oratoires avec mes parents. Scolairement elle n’était plus qu’un tuteur légal. Quoiqu’il en soit, je me suis acheté la paix sociale, avec des apparences de sérieux, le problème de ce genre d’apparence, est qu’elles coûtent du temps, avoir l’air sérieux est plus que tout ennuyeux, mais le sérieux ou l’austérité donne du contenant. Pas du contenu.

Depuis toujours m’ont père m’a toujours dit que jusqu’au bac les études n’étaient qu’une vastes plaisanterie faite pour trier les genres mollement, il me disait qu’il en foutait encore moins que moi, il me disait que je surferai. Il avait raison, en une semaine de prépa, je prends plus de cours que je n’en ai pris en une scolarité lycéenne en maths, ou en physique, une fois qu’on sait que tout est dans le livre, et que le niveau de complexité autorise une compréhension en deux lectures, on peut cesser de prendre le cours. Ça m’a valut pas mal d’emmerdes avec une prof assez particulière en première, le genre à faire des fiches navettes, le genre que je n’aimais pas. Quand je vois ce qu’est devenu la tête de classe qu’elle connaissait, je me console. (Un seul déroge à ce constat, LMB, alors je le dis, respect et robustesse vieux !) Quoiqu’il en soit je me suis mis à dormir en classe, ce qui me valut encore des commentaires sur mon attitude dilettante, et ça continua encore. J’avais cette année un professeur de lettre remarquable, peut-être le professeur que j’ai le plus admiré, il n’était pas le plus apprécié, mes camarades critiquant l’organisation de ces cours et la difficulté des prises de notes qui en découlait. Mais je l’admirais, il avait de l’esprit, et il dominait la classe, à l’occasion il faisait un trait d’esprit et se consolait tout en s’accusant, lorsqu’il voyait que certains l’avait perçu. Il s’exprimait avec plus de panache qu’aucun autre, on aurait dit une pièce, il sortait des citations à tout va, mêlée à des récits plus personnels, des récits qu’il nous offrait pour les oraux, et qui par leur abstraction étaient réutilisables par chacun. Il aimait son travail. L’amour de son travail était et reste encore la condition sine qua non pour avoir mon admiration, elle est maintenu par la liste sus-non-nommée des quelques professeurs que j’ai apprécié. Ceux là même qui font qu’on retourne bien des années après aux journées portes ouvertes pour les remercier et pour leur montrer le concret de ce qu’ils ont aidé à réaliser, et ce, même si je dormais ou lisais pendant leur cours. Si maman m’avait vu, elle m’aurait peut-être tué, ou alors elle aurait compris quelque chose de nouveau, mais j’en doute.

La Terminale est comme toutes les autres classes un grand moment de rigolade, petit je m’inquiétais de la difficulté croissante des études, demandant à mes aînés ce qu’ils en pensaient, à l’évidence, chaque année, ils en pensaient la même chose, tout se suit, de sorte qu’il n’y a pas de gouffre à traverser, à aucun moment. Si bien qu’on finit ces études exactement comme on les commence, malheur à toi ami jeune si tu les as commencées douloureusement, rien n’est perdu. Et le bac. Je me suis bien amusé jusqu’à mes dix-huit ans, mais si j’avais su de quoi il était réellement question, je me serais amusé cent fois plus, je n’aurais jamais toléré qu’on me prive de quelque loisir que ce soit dans le but de me faire travailler, ni couture, ni musique, ni jeu. Mais bon, il paraît que c’est nécessaire. Plus maintenant.

Carpe Diem, ami, que tu sois jeune, radasse ou camarade, carpe diem. Seul le bonheur est valable. L'école ne vaut pas le coup qu'on s'y ennuie.